«Se7en» / Warner Bros.
En coulisse

Le chef-d’œuvre de David Finchers « Seven » fait son retour en IMAX

Luca Fontana
18/12/2024
Traduction: Martin Grande

30 ans après sa première, « Seven » revient au format IMAX dans les salles de cinéma avec ses questions existentielles. Notre monde peut-il encore être sauvé ?

« Le monde est un endroit magnifique pour lequel il vaut la peine de se battre », écrivait Ernest Hemingway. Le détective William Somerset, joué par Morgan Freeman, n’est d’accord qu’avec la fin de la phrase. Autour de lui, les pylônes de la banlieue sont à peine visibles. Le crépuscule est presque englouti par la nuit. Le crime qui vient d’être commis restera à jamais gravé dans sa mémoire.

Fin.

Je me souviens très bien de la première fois où j’ai vu le chef-d’œuvre de David Fincher, au début de mon adolescence. J’étais choqué. Jusqu’à la moelle. Je l’avais trouvé. Le film parfait. Au scénario génial. Au casting d’exception. À la superbe mise en scène. Et peut-être à la meilleure histoire de détective jamais racontée.

En janvier 2025, Seven revient au cinéma pour ses 30 ans. Cette fois-ci, il arrive au format IMAX, pour la première fois de son histoire. Vous pouvez obtenir des billets et un aperçu des dates de projection ici dans tous les cinémas Pathé équipés d’un écran IMAX en Suisse, en coopération avec Digitec Galaxus, Pathé Suisse et The Ones We Love ainsi que l’aimable soutien de Warner Bros. En anglais et sans sous-titres.

Vous pouvez déjà réserver vos places pour les différents cinémas :

Je suis excité comme une puce depuis que je sais que la rediffusion aura lieu, et en même temps, je ne peux m’empêcher de me demander pourquoi la fascination pour ce film est toujours autant d’actualité aujourd’hui.

Je vais essayer de vous donner une explication. Attention, cet article contient des spoilers.

La ville des péchés

D’abord, il y a une ville. Sombre, sale, oppressante... le danger y est omniprésent. Le réalisateur ne lui donne pas de nom. Aucun cadre temporel. Aucun symbole, aucune particularité culturelle distinctive. L’espace urbain est dominé par des rues interminables et des immeubles dénués de charme. Certains sont habités, d’autres désaffectés. Les blocs de béton gris sont uniquement reliés par le flux constant de circulation, la pluie battante et les passants, tous plus louches les uns que les autres.

N’étant basée dans aucune ville en particulier, l’histoire de Seven pourrait se dérouler dans n’importe quelle ville.

Deux hommes aux caractères diamétralement opposés s’y rencontrent. L’inspecteur Somerset (Morgan Freeman), à l’aube d’une retraite bien méritée, est porteur d’une grande expérience et d’une lourde fatigue à la fois. Le vieil homme cynique a encore une semaine à tenir. Ce serait un euphémisme de dire que la semaine sera bien chargée. Son successeur, l’inspecteur Mills (Brad Pitt), va prendre le relais. David Mills vient d’emménager en ville. Il est encore jeune, impétueux et ambitieux. Il est accompagné de sa femme Tracy (Gwyneth Paltrow), qui se sent visiblement mal à l’aise dans cette ville anonyme.

Les inspecteurs David Mills (Pitt) et William Somerset (Freeman) sont deux hommes du même côté, mais que tout oppose.
Les inspecteurs David Mills (Pitt) et William Somerset (Freeman) sont deux hommes du même côté, mais que tout oppose.
Source : Warner Bros.

Dès le premier jour de David, William et lui sont appelés sur une scène de crime extrêmement troublante. Un homme de 180 kilos, le visage enfoncé dans une assiette de spaghettis, est mort d’une hémorragie interne. Il a été forcé de manger jusqu’à ce que son estomac éclate. Le message que porte ce meurtre est aussi cruel que spécifique :

« gourmandise ».

Lorsque deux autres meurtres, tout aussi troublants, sont commis peu de temps après, M. Somerset reconnaît le schéma. Chaque homicide est sous-tendu par l’un des sept péchés capitaux. L’orgueil, la cupidité, l’envie, la colère, la luxure, la paresse, et justement la gourmandise (dans le sens moderne de la démesure). La série de meurtres n’est donc pas terminée.

Les enquêtes des inspecteurs les mènent de plus en plus loin dans une ville sale, fouettée par la pluie, le délabrement et la racaille. La tension irrationnelle qui règne entre M. Somerset et M. Mills est au cœur du film. Le plus âgé des deux, dégrisé par le monde, est guidé par son sens de la justice et sa profonde intégrité. De l’autre côté, le jeune impulsif, naïf et idéaliste, est parfois aveuglé par ses émotions. Ces deux extrêmes illustrent à quel point la frontière entre la raison et le désespoir est fragile.

Entre le bien et le mal.

S’il y a bien une discipline dans laquelle Seven excelle, c’est celle de nous faire nous interroger sur comment nous réagirions dans un tel monde de cruauté et de déchéance. Avec une raison stoïque, un désespoir envahissant ou, en l’occurrence, une colère irrépressible ?

Un combat intérieur

À la fin, ils se retrouvent face au meurtrier lui-même, un homme dangereux et calculateur. John Doe, joué de manière vraiment diabolique par Kevin Spacey. À l’époque, le moment où le tueur en série faisait son apparition estomaquait les spectateurs et les spectatrices. Son nom était volontairement absent des bandes-annonces et des publicités. Il n’apparaissait pas non plus dans le générique d’ouverture du film. Quand le personnage complètement détraqué du film était enfin dévoilé, le public n’avait d’autre choix que de se cramponner à ses accoudoirs de strapontins le temps de reprendre son souffle.

Même s’il n’apparait pas à l’écran pendant la majeure partie du film, sa présence se fait ressentir à travers chaque scène. C’en est perturbant. En effet, John Doe n’est pas un méchant ordinaire. Il représente un avertissement de la morale poussée à son paroxysme, quand celle-ci se donne pour obscure mission de réveiller la société, de lui tendre un miroir et de la rappeler à ses valeurs.

« Nous voyons un péché mortel à chaque coin de rue, dans chaque maison, et nous le tolérons. Nous le tolérons, car c’est courant. C’est trivial. Nous le tolérons matin, midi et soir. Eh bien, plus maintenant. Je donne l’exemple. Et ce que j’ai fait va être décortiqué, étudié et suivi, pour toujours », explique John Doe dans le film.

« Le plus grand tour que le Diable ait réalisé, c’est d’avoir fait croire qu’il n’existait pas... »
« Le plus grand tour que le Diable ait réalisé, c’est d’avoir fait croire qu’il n’existait pas... »
Source : Warner Bros.

John Doe veut punir les sept péchés capitaux et créer ainsi un monde meilleur, à tout prix. De son point de vue, il s’agit d’une fin noble. John Doe n’est pas seulement effrayant par son intelligence ou son manque de scrupules. C’est aussi le fait qu’il touche une corde sensible. Nous sommes contraints de nous demander si nous avons réellement perdu de vue les valeurs qui devraient régir notre comportement en société.

« Nous voyons un péché mortel à chaque coin de rue, dans chaque maison, et nous le tolérons. » Ces mots résonnent dans ma tête.

Le scénario d’Andrew Kevin Walker laisse cette question en suspens, sans donner de réponses simples. MM. Somerset et Mills réagissent différemment à la manipulation de Doe. D’une certaine façon, ils incarnent les deux catégories de personnes que Walker voit dans la société. L’un garde son sang-froid, même lorsqu’il est confronté aux aspects les plus terribles de l’humanité. Le second, quant à lui, est victime de ses émotions. C’est à nous de décider de quel côté nous nous rangeons.

La phrase « Qu’est-ce qu’il y a dans ce paquet ? » ou « What’s in the box? » en anglais est gravée dans l’histoire du cinéma.

L’héritage du mal

À la fin, moment inoubliable pour tout cinéphile, David perd le contrôle et tue John Doe. C’est exactement ce que voulait ce dernier. Cela faisait partie de son plan. John Doe était en effet jaloux de l’amour que connaissait l’inspecteur. C’est la raison pour laquelle il a décapité la femme aimante. Il a déposé sa tête dans une boîte. Il a même ajouté qu’elle était enceinte, ce que David ne savait pas encore, se soumettant ainsi au jugement « divin » de sa victime.

Dans la scène finale, le jeune inspecteur fou de douleur libère John Doe et sacrifie sa propre âme, prouvant malgré lui que le tueur en série avait raison, que nous sommes toutes et tous susceptibles de craquer.

Le mal entraîne le mal. Ce cercle vicieux se brisera-t-il un jour ?
Le mal entraîne le mal. Ce cercle vicieux se brisera-t-il un jour ?
Source : Warner Bros.

La façon dont la situation dégénère est-elle la raison pour laquelle ce film laisse une telle trace ? Peut-être. Pour moi, c’est aussi l’aspect tragique. Alors que la mort de cet abominable antagoniste aurait dû nous apaiser, elle signifie qu’il a gagné. Son « chef-d’œuvre » est achevé.

Pour moi, c’est ça qui rend Seven aussi bouleversant.

Il ne s’agit pas d’une simple histoire manichéenne. C’est nous, les humains, qui sommes au centre de l’intrigue, avec nos erreurs, nos faiblesses, notre colère et notre désespoir. Dans ce récit, le monde lui-même est un adversaire implacable, capable d’anéantir tout espoir. L’inspecteur Somerset pensait pouvoir laisser derrière lui ce monde qu’il croyait perdu, mais les jours passés en compagnie de l’inspecteur Mills l’ont fait changer d’avis. Néanmoins, nous avons besoin de la sagesse d’individus comme William. Du moins temporairement, pour braver certaines épreuves.

« On s’occupe de lui », dit le chef de la police alors que M. Mills est emmené. « C’est tout ce dont il a besoin », répond M. Somerset. « Où serez-vous ? », demande le chef de la police. « Pas loin », soupire doucement l’inspecteur...

« Je ne serai pas loin. »

Photo d’en-tête : «Se7en» / Warner Bros.

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Vivre des aventures et faire du sport dans la nature et me pousser jusqu’à ce que les battements du cœur deviennent mon rythme – voilà ma zone de confort. Je profite aussi des moments de calme avec un bon livre sur des intrigues dangereuses et des assassins de roi. Parfois, je m’exalte de musiques de film durant plusieurs minutes. Cela est certainement dû à ma passion pour le cinéma. Ce que j’ai toujours voulu dire: «Je s’appelle Groot.» 


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