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par Dominik Bärlocher
Avec Star Trek : Picard, Patrick Stewart célèbre le retour de son interprétation de Jean-Luc Picard. Le premier épisode n'offre guère d'intrigue, mais il en dit long sur un homme dont les idéaux ont été trahis et qui est aujourd'hui plus nécessaire que jamais.
Le Capitaine Jean-Luc Picard est un héros. Il est ce que chaque homme sur terre devrait être au XXIe siècle. Et chaque femme aussi. Picard est un homme de principe et d'honneur. Il ne connaît pas le racisme, n'est pas rancunier, traite de façon ouverte avec tout un chacun et avec l'amabilité de mise. Lorsque ses principes sont trahis, il reste inflexible, mais pardonne après le conflit. Il est fait pour Starfleet et en résume les principes :
The first duty of every Starfleet officer is to the truth. Whether it's scientific truth, or historical truth, or personal truth. It is the guiding principle upon which Starfleet is based.
Jean-Luc Picard a quitté son poste depuis plus de dix ans.
Lorsqu'un journaliste s'adresse à lui en l'appelant « Admiral », il l'interrompt. Pour un court instant, l'homme fier et plein de bonté semble blessé, abattu et fatigué. « Retired », précise-t-il.
C'est le début de la série Star Trek : Picard. Dans le premier épisode intitulé « Remembrance », il ne se passe rien, mais il en dit long. J'ai essayé de ne pas trop vous spoiler avec cet article, mais je dévoile néanmoins un peu plus de contenu que la bande-annonce. En bref, attention.
« Remembrance » est court, trop court. C'est cependant un brillant prélude à une série que personne n'a demandée et à propos de laquelle beaucoup étaient sceptiques. Bien sûr, il y a tout d'abord Jean-Luc Picard, qui est passé du statut d'homme à celui de légende. Mais, la série sœur Star Trek : Discovery fait l'objet de critiques sévères. Trop d'action. Et surtout : depuis quand la Fédération est-elle constituée d'une bande de connards ? L'organisation de laquelle dépend Starfleet, n'est-elle pas censée être foncièrement bonne ?
Historiquement, Starfleet est une source d'inspiration. Les officiers des vaisseaux de la Fédération sont meilleurs que nous, mais pas inaccessibles. C'est exactement ce qui fait de Jean-Luc Picard un si bon personnage. Tout le monde peut devenir comme Picard, sans trop d'efforts. Mais voilà que Starfleet dispose soudain de la « Section 31 », une sorte de service secret traitant les affaires délicates, dirigée par Philippa Georgiu, une femme issue d'un univers parallèle peuplé de nazis.
Est-ce bien toujours la Starfleet avec laquelle nous avons grandi ?
Oui, car avec le glissement vers le côté obscur, l'univers Star Trek de la chaîne américaine CBS remplit une mission essentielle de la science-fiction. Ce genre reflète la société dans laquelle nous évoluons et nous montre ce que nous devrions ou pourrions être. Les vaisseaux spatiaux qui parcourent l'univers et les Klingons qui mangent du gagh ne sont en fait qu'un prétexte. D'autant plus que les temps changent également dans l'univers des séries télévisées. Depuis le dernier vol de l'Enterprise d'Archer, il y a eu au moins deux nouvelles lignes temporelles qui sont, d'une manière ou d'une autre, compatibles avec l'espace temps des séries originales TOS et TNG.
En bref : les temps changent, tant dans notre réalité que dans l'univers de Star Trek.
Starfleet n'est plus la flotte autrefois animée par James Tiberius Kirk et Jean-Luc Picard. Ce n'est pas non plus la flotte représentée par Benjamin Sisko contre le Dominion ou celle de Kathryn Janeway et du Voyager qui a pu rentrer après de multiples rencontres.
Picard est plutôt de la vieille école des partisans de Starfleet. Il a tourné le dos à la nouvelle Starfleet isolationniste et parfois vicieuse. Ce retournement de situation l'a profondément blessé et il n'est pas parti à la retraite en paix. Il vit en France avec son chien dans un vignoble, il n'est cependant pas satisfait. Alors qu'une jeune femme ayant un lien fort intéressant avec l'époque de Picard et de l'USS Enterprise apparaît, de vieilles blessures s'ouvrent à nouveau, de nouvelles apparaissent et le vieil idéaliste, trahi par la mission de sa vie, doit repartir vers les étoiles.
Picard ne serait pas Picard sans l'interprétation grandiose de Patrick Stewart. L'acteur est également producteur exécutif de la série Star Trek : Picard et jouit donc d'une grande influence sur le développement et la production de la série. C'est par exemple lui qui a choisi le chien qui devait accompagner Picard. Le choix n'a pas été facile : « Oui, une sorte de toutou télégénique arrivant à hauteur de genou », mais derrière ce choix d'apparence simple, se cachaient des considérations plus grandes. Quel chien aurait Picard ? Quels doivent être les traits de caractère du chien ?
Le choix s'est porté sur un pitbull du nom de De Niro et appelé « Number One » dans la série. Tout comme le commandeur William Riker qui a toujours fait preuve de fidélité envers Picard, Patrick Stewart explique dans l'interview que le pitbull est une race qui cherche à plaire à son maître plus que les autres. La simple présence du pitbull est donc le signe que Picard cherche à confirmer l'existence de dépendances émotionnelles et de blessures profondes.
Le souvenir du premier épisode de la série est marqué par des moments, plus que par l'intrigue ou l'action. Qui veut voir de l'action de toute façon ? « Remembrance » ressemble plus à une exposition des personnages qu'à une histoire. On a plus de chance de retenir la réponse de Picard à la question « Avez-vous jamais perdu confiance en Data ? » lors de l'interview avec la journaliste visiblement raciste qui lui pose des questions sur les androïdes, depuis interdits, que les scènes d'action trop minutieusement.
Ces scènes d'action ne sont ni fausses ni inintéressantes, mais elles sont très bien menées et parfaitement réparties pour relancer l'intrigue au moment où cela est nécessaire. Mais : Patrick Stewart domine dans le rôle de Picard. Juste avant un combat aux phaseurs et en pleine course poursuite, il s'arrête. Soudainement, les poursuivants et leurs phaseurs, qui vont apparaître quelques secondes plus tard, n'ont plus aucune importance. Picard est particulièrement heureux d'accueillir une jeune femme dans une université. Les coups peuvent alors pleuvoir, Picard n'est pas chez lui. Ils partagent en revanche la compassion et la joie de vivre.
Star Trek : Picard rend ainsi justice à une mission essentielle du genre de la science-fiction. La série se présente comme un miroir de notre société, politiquement dominée par les mots tabous du président américain Donald Trump et sa destitution imminente, par un Brexit controversé et par la lutte de Greta Thunberg contre le changement climatique, elle aussi controversée. Mais ce monde abrite cependant encore des gens qui ne sont pas foncièrement mauvais, doivent célébrer les petits succès et vivre jour après jour sur cette terre. Le personnage de Picard est conscient que nous sommes tous dans le même bateau, même s'ils nous arrive de nous battre pour des questions sociétales, de politique ou personnelles. Et Picard sait : il n'y a qu'ensemble que nous pourrons avancer. Il défendra cette idée jusqu'à la fin.
Star Trek : Picard nous montre non seulement le meilleur de l'homme, mais aussi le meilleur de la science-fiction, le meilleur de Patrick Stewart et nous apporte le retour moins glorieux d'un personnage dont le monde a besoin.
On peut le voir dans l'interview que donne Picard, la journaliste lui parle d'une mission de sauvetage. Elle ne comprend visiblement pas l'intérêt de sauver des Romuliens alors que Picard aurait pu sauver des humains. Jean-Luc Picard l'interrompt lorsqu'elle fait preuve de racisme implicite en parlant de « Romulan lives » (des vies romuliennes). Il dit alors :
« No. Lives. »
Journaliste. Auteur. Hackers. Je suis un conteur d'histoires à la recherche de limites, de secrets et de tabous. Je documente le monde noir sur blanc. Non pas parce que je peux, mais parce que je ne peux pas m'en empêcher.