
Test de produit
Zoom 100x deux fois : Le Samsung Galaxy S20 Ultra après la mise à jour
par Dominik Bärlocher
Le Samsung Galaxy S20 Ultra fait beaucoup parler de lui et suscite pas mal de points d'interrogation. À l'issue d'un test, on en déduit que le Space Zoom 100x fait beaucoup miroiter, ce qui pourrait entraîner des conséquences néfastes pour le fabricant.
Pour les amateurs de technologie, les spécifications du Samsung Galaxy S20 Ultra, c'est du pain béni : Exynos 990, 16 Go de RAM, appareil photo avec zoom hybride 100x baptisé Space Zoom.
Bien entendu, il y a des questions, sur le module photo qui promet beaucoup, et en particulier sur le Space Zoom, qui déchaîne les passions. Selon Samsung, le Space Zoom combine matériel (pour le zoom 5x), logiciel (pour le reste) et fonction de traitement d'image issue de l'intelligence artificielle (IA).
Zoom 100 fois... Zoom numérique... Pensent-ils vraiment que nous sommes stupides au point d'accepter ça comme argument ?
Et
Zoom 100x sans trépied : comment est-ce possible ? Existe-t-il un stabilisateur d'image ? C'est le cas pour le zoom 3x, car je l'ai lu, mais rien de plus. Je n'ai fait que survoler l'article. Peut-être que cette donnée figure quelque part.
Et
Eh bien, c'est l'heure du test, dans deux cantons.
Le Space Zoom peut s'utiliser dans deux situations.
L'utilisation se veut facile. Ouvrir l'appareil photo, zoomer, appuyer sur le déclencheur et c'est tout.
J'effectue le premier test sur un parking à Wohlen, en Argovie. Une Ford Mustang édition Shelby se trouve à une dizaine de mètres de moi. Elle n'a plus le logo Ford sur la calandre, mais un serpent posé sur un rectangle.
À 10 m de distance, il ne reste plus grand-chose du logo avec le Space Zoom.
On ne voit pratiquement rien ! Plus rien même. Même sur Instagram, ça n'irait pas. Les photos Instagram ne doivent pas forcément avoir la qualité d'une photo classique, car on ne les voit qu'en très petit, même si elles sont stockées en taille réelle sur le serveur de Facebook. Il est donc possible de cacher certaines imperfections. Mais avec le Space Zoom, on ne peut rien faire avec le logo du serpent ni même cacher quoi que ce soit. Les lettres GT sont presque reconnaissables, mais uniquement si l'on est un peu initié : dans ce cas, on sait qu'il s'agit de « GT350 ». L'IA n'est pas capable d'affiner les données – probablement très insuffisantes – des objectifs de l'appareil photo au point qu'on arrive à distinguer le serpent de façon nette.
Il est également presque impossible de garder l'appareil immobile. Je m'y suis pris à trois fois pour sortir la photo ci-dessus. Les deux premières tentatives ne permettaient absolument pas de voir qu'il s'agissait d'un logo.
À Rorschach, dans le canton de Saint-Gall, je me rends sur la jetée pour prendre une photo du village de Langenargen sur la rive allemande, ou tout du moins des environs de la localité, car l'appareil photo est impossible à stabiliser. On n'obtient rien qui vaille. La photo est étonnamment peu floue, mais même après la prise de vue, on ne peut pas vraiment dire s'il s'agit de Langenargen ou d'une autre bourgade sur la rive allemande.
Langenargen est d'ailleurs connu des habitants de Rorschach pour la voix du capitaine Urs Grob, patrimoine culturel de Rorschach, diffusée par haut-parleurs dans le port pendant des années lorsque les navires réguliers passaient par là. Langenargen se trouve à 13,45 kilomètres de Rorschach. La vue est dégagée.
Ce n'est vraiment pas facile de viser juste. Samsung a probablement prévu cette difficulté, à en juger la vignette de l'image entière dans le coin supérieur gauche de l'appareil photo en guise d'aide à l'orientation. Mais attention, car le moindre mouvement vous catapulte à des kilomètres.
Aussi magnifique cet endroit – rendu célèbre par Urs Grob – puisse être, la photo ne lui fait absolument pas honneur.
Matelots et moussaillons doivent se demander si je sais où se trouve Langenargen. Est-ce important ? Ni les habitants de Rorschach ni moi-même ne reconnaissons quoi que ce soit dans cette image.
« Tu a trop tremblé. Si l'appareil était stable, la photo serait plus réussie », se dirait Samsung en me voyant faire. Je n'ai ni réussi à capturer le serpent du logo ni le rivage allemand.
Je n'ai pas envie de donner raison à Samsung. Je sors donc l'artillerie lourde, un trépied. J'ai un jour reçu un stabilisateur SevenOak pour téléphone portable, qui s'adapte à la vis de la plaque de mon Manfrotto BeFree. Tout autre trépied ferait également l'affaire.
L'orientation est désormais beaucoup plus facile. Mais l'image est tout aussi mauvaise.
Est-ce Langenargen ? Friedrichshafen peut-être ? Ou toute autre bourgade entre les deux ? Impossible de le savoir lorsque l'on ne regarde que la photo et que l'on ne connaît pas la géographie de la rive allemande en face. À dire vrai, je fais exprès de ne pas dire où ces photos sont prises, car je veux vous demander à vous. Où ont-elles été prises ? La seule chose que l'on sache, c'est la direction dans laquelle j'ai visé. En voyant cette photo sur Instagram, reconnaîtriez-vous l'endroit ?
Malgré le désastre complet du Space Zoom, la technologie n'en demeure pas moins impressionnante. Les images ne sont pas belles, mais je reconnais les ombres. C'est plus que ce que la concurrence peut proposer. Mais je suis convaincu que Samsung s'est fourvoyé et ne s'en remettra pas de si vite, tout du moins pas en Suisse. Les Suisses, ne l'oublions pas, tout comme les habitants de Rorschach, n'oublient pas la voix caractéristique d'Urs Grob.
Samsung nous jette de la poudre aux yeux avec du zoom 100x. La technologie n'est pas prête, car ce qui fonctionne sur le S20 Ultra est tout au plus une preuve de faisabilité. Est-il possible de simuler un zoom de 100x avec matériel, logiciel et intelligence artificielle ? Bien sûr. Mais cela ne devrait pas être le seul critère de lancement sur le marché. Si le résultat final n'est qu'un déchet de données inutiles ne permettant pas d'atteindre la qualité des photos des réseaux sociaux, alors à quoi bon ?
Le Space Zoom a été commercialisé deux ans trop tôt. Au bas mot.
Samsung ne s'est pas rendu service dans cette histoire. Dommage, car dans deux ans, ou plus, elle aurait perfectionné son système. Ça arrivera, sans aucun doute. Les appareils photo périscopiques des smartphones en sont à leurs balbutiements, les capteurs, de plus en plus performants, les logiciels et l'IA aussi. Mais les Suisses s'en souviendront, tout comme ce type de digitec qui était au départ impressionné par la technologie jusqu'à ce qu'il se rende compte de la supercherie sur une jetée à Rorschach et un parking à Wohlen. Et quand on pense que Samsung exige un peu plus de 1000 balles pour un appareil qui vomit des déchets de données.
Samsung affirmera que le Space Zoom est nouveau et amélioré. Personne n'en tiendra compte. Car à l'époque où le Space Zoom venait de sortir, c'était de la camelote. À titre d'exemple, saviez-vous que Bixby fonctionne maintenant assez bien en anglais et qu'il est presque aussi rapide que l'Assistant Google ? Non. Personne ne s'en soucie plus, car au lancement, Bixby ne valait que dalle.
Ce que je veux dire par là, c'est que dans deux ans, Samsung aura du mal avec son appareil photo si le Space Zoom fonctionne. Et c'est uniquement parce qu'ils n'ont pas pu la fermer en 2020.
Samsung aurait pu être honnête et dire : « Les gars, le S20 Ultra est un téléphone sur lequel nous travaillons. Nous sommes en plein essai et avons besoin d'autant de données que possible. C'est pourquoi nous le commercialisons en espérant que vous prendrez de nombreuses photos avec le zoom 100x pour que nous puissions analyser le tout après, car le système actuel est en phase bêta. »
Mais au lieu de ça, Samsung y va de bon cœur en affirmant qu'il s'agit du téléphone qui mettra un terme à tous les appareils photo (« Phone to end all cameras »).
Or ce n'est pas le cas. Merci. Samsung, vous avez échoué.
LoXeras, membre de la communauté, m'a envoyé cette photo prise avec le zoom 100x. Son commentaire : « J'ai pris des photos de choses qui abîment moins les yeux que celles de Rohrschach ».
Mais il ajoute également : « Pour faire bref, la qualité est inutile. »
Journaliste. Auteur. Hackers. Je suis un conteur d'histoires à la recherche de limites, de secrets et de tabous. Je documente le monde noir sur blanc. Non pas parce que je peux, mais parce que je ne peux pas m'en empêcher.