Critique

Critique de film : **« Mulan » est bien et précieux, mais pas extraordinaire

Luca Fontana
4/9/2020
Vidéo: Armin Tobler

S'il y a une chose dont « Mulan » ne veut pas, c'est d'être une pâle copie de sa version dessin animé. Cela fonctionne beaucoup mieux que pour les récents remakes de Disney. Mais ce qui est bien plus important est cette leçon que nous enseigne le film.

Avant toute chose : cet article ne contient aucun spoiler. Vous n’apprendrez rien de plus que ce qui est déjà révélé dans les bandes-annonces.


La Chine est menacée. L'ennemi vient du Nord. Les Huns barbares, pillant un village après l'autre, avancent. L'empereur chinois (Jet Li) agit et ordonne que dans tout l'empire, chaque famille envoie un homme pour rejoindre la grande armée censée repousser les Huns.

Mulan Hua (Yifei Liu) est une femme. Sa place dans la société est clairement prescrite : être une bonne épouse et mère. Mulan est différente : insoumise et battante. Elle a bon cœur, mais a tendance à faire honte à sa famille avec ses escapades rebelles.

Puis, lorsque le message de l'empereur est délivré par le proclamateur de l'empire, il est clair que le seul homme de la famille de Mulan est son père, un vétéran de guerre affaibli par ses blessures. S'il part en guerre, il ne reviendra pas. Par zèle et par amour pour son père, Mulan décide de voler son armure et son épée pour rejoindre lui-même la grande armée ; incognito et déguisé en homme.

La polémique « Mulan »

Les polémiques autour de « Mulan » ont commencé assez tôt. Déjà en 1998, pour être exact, lorsque la version dessin animé de Disney du conte populaire chinois est arrivée dans les salles de cinéma. La critique : la culture chinoise est clairement façonnée par les idées et les clichés occidentaux. Dragons, jade, lanternes rouges, etc. En Chine, le film « Mulan » de 1998 n'a donc pas connu un grand succès jusqu'à aujourd'hui.

Passons en mode avance rapide jusqu'en mars 2017. La réalisatrice Niki Caro annonce, que sa version du film Disney ne veut pas être une copie exacte du dessin animé. Il s'agit plutôt d'une adaptation fidèle du conte populaire. Une « épopée gracieuse et féminine d'arts martiaux ».

En conséquence, les chansons seraient abandonnées. Pire encore. Certains personnages emblématiques comme le dragon Mushu et le fils du général Li Shang. Oh non. « Mulan » sans « I'll Make A Man Out Of You » ? Non merci!

La pandémie de cette année a presque fait déborder le vase. D'abord, le film a dû être reporté trois fois, puis le film a définitivement été banni des cinémas : « Mulan » n'est actuellement disponible que sur le service de streaming Disney+. Et seulement si vous payez un supplément de 29,90 francs ou euros. Tout le monde ne trouve pas l'idée géniale.

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Les polémiques mises à part. Que vaut le film ?

L'émancipation réussit (presque)

En fait, ce ne sont pas de mauvaises conditions. Le film pourrait nous surprendre. Précisément parce que les attentes ont pu être revues à la baisse et que la promesse faite par la réalisatrice Niki Caro ne pouvait être plus séduisante. Au moins, « Mulan » ne serait finalement pas une adaptation filmée jouant avec la nostalgie de sa version dessin animé.

« La Belle et la Bête », « Aladin » et « Le Roi Lion » vous passent le bonjour.

En effet, « Mulan » est beaucoup plus adulte, mature, moins bébête. Rien qu'en ayant laissé de côté les animaux parlant à la manière typique de Disney. Sans oublier les scènes d'action.

Oh, ces scènes d'action ! Parfois, on pourrait presque croire que « Mulan » est une proche parente des classiques chinois comme « Crouching Tiger, Hidden Dragon » ou « Hero ». Surtout quand il s'agit d'actions « faites à la main ». Par exemple, lors de scènes clairement retouchées où Mulan vole sur des câbles, marche le long des murs et balance son épée en duel, comme si elle exécutait une danse poétique avec son homologue.

Dans un rôle secondaire: Donnie Yen. Connu grâce à « Ip Man » et « Rogue One : A Star Wars Story ». Et maître des arts martiaux.
Dans un rôle secondaire: Donnie Yen. Connu grâce à « Ip Man » et « Rogue One : A Star Wars Story ». Et maître des arts martiaux.
Source : Disney

Cela plaît et, en même temps, est on ne peut plus éloigné du dessin animé. Mais, c'est exactement cette distance que le film ne maintient pas assez bien pendant ses 115 minutes. Si vous êtes fan de la version dessin animé, vous avez un problème : en comparaison directe, la version filmée tient rarement la route, et manque de charme, de cœur, et de proximité. « Je préférais ce passage dans le dessin animé » est un songe qui revient souvent.

Par exemple, lorsque Mulan décide de prendre la place de son père dans la grande armée chinoise sur la magnifique musique de film écrite par Jerry Goldsmith. Dans le dessin animé, il y a une dispute. Dans le film, le père et la fille se réconcilient avant qu'elle ne décide de partir. La décision d'entrer en guerre est beaucoup plus difficile à prendre. Savoir que la famille sera déshonorée, mais que son père sera sauvé est à la fois tragique et héroïque.

C'est peut-être à cause de la bande originale du film d'action de Harry Gregson-Williams.

Sa musique est souvent épique, parfois brutale, mais trop souvent générique. Et il reprend de temps en temps des petits bouts de mélodie du dessin animé. Peut-être manquait-il de courage pour faire quelque chose de nouveau. Ou d'inspiration. Surtout dans les grandes scènes émotionnelles, où le beau thème « Réflexions » est réutilisé sans vergogne.

Ce sont précisément ces éléments musicaux qui nous ramènent, nous les spectateurs, encore et encore au dessin animé, aux comparaisons. Des comparaisons où le film ne gagne que rarement. L'émancipation promise est là, mais manque de cohérence.

Mulan, le féminisme et la femme forte

Je ne veux pas faire de reproches à la réalisatrice Niki Caro. Sa mise en scène semble solide. Elle capture les chorégraphies merveilleusement poétiques d'une main calme et habile. Tout comme le monde qu'elle et ses scénographes ont créé pour Mulan.

Nous nous trouvons dans la Chine féodale. Des prairies verdoyantes qui s'étendent sur des collines comme des vagues sur la mer alternent avec des déserts rouge orange chatoyants, des montagnes enneigées et d'opulents palais en bois et casernes de guerre. Entre le bétail, les marchés, les costumes colorés, les épices, les céréales, la soie, les tissus, les chapeaux de paille et les théières ;

un véritable festin pour les yeux.

Les décors et les costumes sont presque dignes d'un Oscar.
Les décors et les costumes sont presque dignes d'un Oscar.
Source : Disney

Certes le tout semble parfois trop parfaitement mis en scène : ils auraient au moins pu mettre un peu de terre sur les vêtements ou sous les ongles. Cela donne presque l'impression d'assister à une fête costumée d'ampleur inégalée.

Mais bon, c'est une critique de haut niveau. Après tout, la plupart des décors et des arrière-plans semblent avoir été construits pour le film. Comme s'ils ne provenaient pas de l'ordinateur. Cela est plutôt rare. Et dans ce contexte, l'actrice principale Yifei Liu peut jouer une Mulan merveilleusement forte.

C'est important. Le film d'animation « Mulan » est si important précisément parce qu'il montre ce que représente le féminisme. Pas pour se battre, ou pour la lutte homme femme, mais pour l'équité, l'égalité entre les sexes. Et c'est ce que Niki Caro nous apporte dans sa version filmée.

Le rôle des femmes est clair au début : elles doivent être de bonnes épouses et faire honneur à leur maison
Le rôle des femmes est clair au début : elles doivent être de bonnes épouses et faire honneur à leur maison
Source : Disney

Dans les deux films, les valeurs traditionnelles des familles disent que l'homme est le héros et que la femme doit rester tranquillement à la maison ; des valeurs fausses, mais établies. Et quand l'empereur demande l'aide du peuple, il ne demande qu'un homme par famille. Il ne penserait même pas que cet homme puisse être remplacé par une femme.

Mulan pense que c'est injuste. Elle enfreint toutes les règles, toutes les traditions, et sert à la place de son père dans l'armée. Elle ne le fait pas seulement pour lui, mais aussi pour elle-même. Pour trouver sa place dans la société. Une place dont la société elle-même ne connaît pas encore l'existence.

Mulan se bat pour sa place dans la grande armée qui doit défendre la Chine.
Mulan se bat pour sa place dans la grande armée qui doit défendre la Chine.
Source : Disney

Pourtant, Mulan n'est pas une princesse Disney typique des années 1950 qui n'est « que » belle. Ici, il n'est même pas question d'apparences. Il s'agit de valeurs intérieures. Mulan est sincère, courageuse et forte. Parfois étourdie et maladroite. Mais si besoin, elle se transforme en rebelle qui défie les règles et les coutumes injustes. Peu importe son sexe. L'héroïsme n'a pas de genre.

Et lorsque, contre toute attente, elle reçoit la reconnaissance du monde masculin, elle n'a pas l'impression de « vaincre » ou d'« être vaincue ». Mais plutôt d'être « comprise ». Mulan devient une guerrière, puis une légende. Soudain, ce monde masculin se transforme en un monde dans lequel il n'y a plus de séparation entre homme et femme.

C'est un équilibre.

OK : belle opulence, mais les personnages sont creux

Ce qui reste est un film qui vaut vraiment la peine d'être vu, avec un message extrêmement important : celui de l'égalité. Ajoutez à cela des scènes d'action magistralement composées et chorégraphiées, et des décors parfaits ; parfois même un peu trop parfaits.

Oui, l'Empereur de Chine est joué par Jet Li.
Oui, l'Empereur de Chine est joué par Jet Li.
Source : Disney

Mais la version 2020 de « Mulan » ne passe pas non plus trois pattes à un canard. Ce n'est pas à cause de la mise en scène, mais plutôt à cause des acteurs plutôt inaccessibles, qui semblent certes sympathiques, mais dont on ne se souvient pas du tout. Comme le méchant du film ou son assistance sorcière. Des personnages marginaux ; ni plus ni moins. C'est pourquoi je ne les ai pas mentionnés jusqu'à présent. À cela s'ajoute une musique de film générique, qui n'est vraiment bonne que quand elle imite celle du dessin animé. Ba voyons...

Bon, je vais regarder « Mulan ». La version de 1998.

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Vivre des aventures et faire du sport dans la nature et me pousser jusqu’à ce que les battements du cœur deviennent mon rythme – voilà ma zone de confort. Je profite aussi des moments de calme avec un bon livre sur des intrigues dangereuses et des assassins de roi. Parfois, je m’exalte de musiques de film durant plusieurs minutes. Cela est certainement dû à ma passion pour le cinéma. Ce que j’ai toujours voulu dire: «Je s’appelle Groot.» 


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